samedi 20 août 2011

L'anti-biographie ou petit catalogue des idées reçues

 

Arnaud Montebourg est-il aristocrate dissimulant la particule DE Montebourg ?


Son grand-père maternel était algérien. Il s’appelait Khermiche Ould Cadi. Il est né en 1907 près d’Oran. Il avait épousé Jeanne, une normande. Il avait voulu que ses enfants – dont Leïla, la mère d’Arnaud Montebourg – fussent élevés en France. Du côté paternel, on était boucher-charcutier de père en fils. Les Montebourg étaient des artisans - commerçants dont la boutique « La Maison de la Rosette » se trouvait en face de la gare, à Autun. Son père, Michel, avait choisi de s’échapper et de faire une carrière de fonctionnaire des impôts. Sa mère devint professeur d’espagnol. Deux familles bien différentes, face à face durant la guerre d’Algérie, qui se mélangèrent pour former un alliage improbable : une famille française qui, pour se moquer d’elle-même, se décrivait sous le vocable « d’arabo-morvandiaux ».


Arnaud Montebourg est-il un bobo/dandy parisien parachuté en Saône-et-Loire ?


Son grand-père Ould Cadi voulait que son fils s’engage dans l’armée. Pour cela, il avait choisi le lycée militaire d’Autun… en Saône-et-Loire. C’est dans cette même ville qu’ils rencontrèrent les Montebourg. Arnaud Montebourg est né dans la Nièvre voisine, à Clamecy, près de Château-Chinon, dans la circonscription de François Mitterrand. C’est son père qui l’aida à poursuivre ses études à Paris, où Arnaud Montebourg embrassa simplement la carrière d’avocat, arrivant du Morvan à Paris, en passant par Dijon, avec l’enthousiasme et l’insouciance d’un provincial sans appuis ni qualités.


Arnaud Montebourg est-il une girouette suivant le vent du parti socialiste ?


Le chemin vers la rénovation n’a pas été une marche triomphale, mais plutôt un combat dans lequel les coups furent rudes et la solitude parfois pesante. Pourtant, le jeu en valait la chandelle. On dit souvent que chaque génération politique a son moment fondateur.

Pour celle d’Arnaud Montebourg, ce ne fut pas une victoire, mais la funeste déroute du 21 avril 2002. Face au Parti Socialiste terrassé par l’extrême droite, abandonné par ceux-là même qu’il croyait défendre, il fallait construire un Nouveau Parti Socialiste. C’est pourquoi, en 2003, avec Vincent Peillon, Benoît Hamon et quelques autres, il lança cet ambitieux mouvement de rénovation : le NPS. Ses membres défendaient les valeurs de la gauche que l’histoire leur avait léguées, tout en transformant ses positions au contact de l’évolution accélérée du monde. Ils voulaient changer la gauche pour pouvoir changer la France. C’était un combat difficile. Le NPS s’est brisé au congrès du Mans, sur une synthèse trompeuse et nocive, et les rénovateurs se sont dispersés. Pourtant, la longue décrépitude du Parti jusque et y compris au Congrès de Reims n’a-t-elle pas confirmé les analyses du NPS, pourtant observées à l’époque avec une condescendance moqueuse ? Qui peut dire que les combats d’hier n’étaient pas pertinents ? Qui peut nier qu’ils avaient vu l’écroulement idéologique de leur parti, son enlisement dans un entre-soi délétère et ses manœuvres d’appareils ? Aujourd’hui, il faut faire naître un nouveau Parti Socialiste. Malgré la dislocation du NPS, ses anciens membres ont continué de porter les idéaux réformateurs. C’est aux côtés de Ségolène Royal qu’Arnaud Montebourg s’engagea, car c’est elle qui porta le plus résolument un discours de rénovation. Il a conservé avec Ségolène Royal une amitié jamais démentie. Il ne voulut pas la soutenir dans sa prise du parti pour ne pas présidentialiser celui-ci, en cohérence avec son projet de primaires ouvertes et populaires. Arnaud Montebourg fut appelé par Martine Aubry et passa avec elle un accord politique par lequel la future Première secrétaire s’engageait à mettre le Parti dans la voie d’une rénovation réelle. L’installation au plus haut niveau du parti d’un Secrétariat national à la Rénovation constitua une avancée décisive et la victoire des convictions portées depuis plusieurs années. Le chemin ne fut cependant pas sans embûches. A l’été 2009, alors que le Parti rechignait à s’engager dans la voie des primaires ouvertes et populaires, il mit sa démission dans la balance. Changer le PS ou entamer une autre vie . Jamais être complice du renoncement et de l’effondrement.
Léon Blum disait : « Toute classe dirigeante qui ne peut maintenir sa cohésion qu’à la condition de ne pas agir, qui ne peut durer qu’à la condition de ne pas changer, qui n’est capable ni de s’adapter au cours des événements ni d’employer la force fraîche des générations montantes, est condamnée à disparaître de l’histoire ». Dans le parcours d’Arnaud Montebourg, il y a une ligne de force : rénover et transformer. Rénover toujours et avec tous ceux qui l’acceptent.


Arnaud Montebourg est-il un inconstant sautant d’une cause à une autre ?


Regardons de plus près
Une idée reçue tenace est l’opportunisme supposé d’un Arnaud Montebourg collectionneur de coups d’éclats médiatiques. Mais la cohérence éclate si l’on regarde ses combats de près : lutter contre les privilèges, contre la France rentière, celle des monopoles indus, des ententes illicites et des abus de position dominante. Celle qui vit aux dépens du travail des autres, assise sur ses privilèges et protections révoltantes. Les opérateurs téléphoniques, les sociétés privées d’autoroutes, les banques privées, les fabricants de médicaments, les tribunaux de commerce, sont de cette même France incapable de créer, qui attend sans rien faire les dividendes de ses passe-droits. En vérité, tous ces combats ne font qu’un.

Dés 1998, Arnaud Montebourg a lutté pour une réforme (à laquelle son camp n’a pas eu le courage de croire) des tribunaux de commerce, liquidateurs aux pouvoirs exorbitants qui, sur fond de corruption et d’incompétence, s’enrichissent aux dépens des entreprises et de leurs salariés. La rente, voilà le véritable ennemi de la France passionnée de justice entre les hommes et qui n’a que son travail et sa créativité pour vivre.

La rente, c’est aussi celle tirée par certains hedge funds peu scrupuleux qui se précipitent sur des entreprises sans le moindre projet industriel. C’est pourquoi Arnaud Montebourg avait pris résolument position contre les OPA hostiles transnationales en 2006.
La rente, c’est encore l’entente illicite constituée par les opérateurs téléphoniques au début des années 2000. Forts de leur position écrasante et de l’impossibilité d’une action de groupe intentée par des consommateurs dispersés, ces opérateurs s’étaient entendus sur des tarifs très élevés. Une fois encore, l’intérêt général se heurtait à la rente. C’est pour permettre les « actions de groupe » qu’Arnaud Montebourg avait, avec d’autres députés et sénateurs, déposé en 2008 une proposition de loi en ce sens.

La rente, c’est enfin la tentative de la société d’autoroute Paris Rhin Rhône de s’arroger en 2010 le monopole sur certaines autoroutes pour faire flamber les prix, en spoliant au passage l’intérêt général. C’est au nom de cet intérêt général, qu’en tant que Président du Conseil Général de Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg s’est élevé contre la confiscation du bien commun. Ces combats ne sont pas des coups politiques. Car, en l’occurrence, des coups, il y en a beaucoup à recevoir. Ils sont le fil rouge d’un engagement contre tous les privilèges qui asphyxient la République.

Etait-il opportuniste de mener avec Vincent Peillon un combat frontal contre les paradis fiscaux et le blanchiment de l’argent sale ? (Mission d'information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe.) Cette mission parlementaire a été la plus longue de la Ve République. Trois années consacrées à sillonner l'Europe des paradis fiscaux, judiciaires et bancaires, à interroger banquiers, policiers, juges, diplomates, voyous, avocats, ministres, à démonter les systèmes financiers et les méthodes de dissimulations que les « grands Etats » (la France pour Monaco, l’Angleterre pour Gibraltar) cautionnent par leur complaisance. Arnaud Montebourg et Vincent Peillon avaient alerté des désordres du capitalisme financier mondial et ils se sont heurtés à différents murs, celui de l’argent, à l’évidence, celui de la compromission aussi, mais surtout celui de la complaisance ou encore de la lâcheté politique et de la résignation face à un monde que l’on ne voulait plus vraiment transformer. Le Premier ministre socialiste d’alors a cru qu’ils allaient trop vite. A la lumière de la crise actuelle, chacun peut mesurer qu’il aurait fallu aller plus fort et plus loin avant que le système ne s’effondre et s’enfonce dans la crise. Combat superficiel ? Non, combat d’avant-garde. Opportunisme. Non, combat d’anticipation.

Quant à la récente polémique qui opposa Arnaud Montebourg à TF1 – puisque ce dernier a mis en valeur la « tradition délinquante » de cette chaîne véhiculant démesurément les valeurs de l’argent, de la cupidité et de la violence – ce n’est pas là un coup médiatique isolé. C’est le combat de vingt ans pour une autre exigence culturelle et audiovisuelle, n’en déplaise à TF1. Au début des années 90, avec TV Carton jaune – association qui regroupait des juristes, des journalistes et de simples téléspectateurs et dont Arnaud Montebourg fut l’avocat, il militait déjà pour la déontologie chez les journalistes et pour que ceux-ci résistent aux assauts puissants des forces de l’argent et du pouvoir. Avec l’association Changez la Une, qu’Arnaud Montebourg défendit comme avocat, il s’engagea pour que TF1 respecte son contrat de « mieux disant culturel » établi en 1987, faute de quoi la concession d’une portion de l’espace public ne devrait pas être accordée (Mémoires déposés devant le CSA à l’hiver 1996)


Arnaud Montebourg serait-il un nouveau Saint-Just ?


Au début des années 2000, avec 37 députés de toutes les gauches, Arnaud Montebourg a tenté de mettre en accusation Jacques Chirac. Plutôt que de dénoncer l’impunité dont il jouissait et les malversations, un homme politique calculateur aurait prudemment détourné le regard. L’affrontement avec Jacques Chirac, aussi dur a-t-il été, correspondait à l’idée qu’Arnaud Montebourg se faisait de la République. On le traita de populiste, de donneur de leçon, on le qualifia même de « Fouquier-Tinville à la petite semaine », de « Savonarole de pacotille ». Ethique et politique, d’autres s’y sont cassés les dents. Mais il eut été trop commode de renoncer. Dans sa vie antérieure d’avocat, il avait appris aux côtés de Maître Thierry Lévy à assumer le combat. Coup d’éclat à mettre au tableau de chasse d’un jeune loup ? Pour Arnaud Montebourg, c’était d’abord l’expression d’une certitude : il n’est pas de République sans exemplarité. En 1999, alors que Roland Dumas, ancien ministre socialiste, est mis en examen dans l’Affaire Elf et encore soutenu par les plus hautes autorités de l’Etat, Arnaud Montebourg avait demandé son départ du Conseil Constitutionnel. « Partez, si vous êtes toujours socialiste », avait-il alors écrit. L’éthique n’est pas une vertu sélective. La présidence Sarkozy ne rend que plus actuel cet engagement éthique, quand l’argent et le pouvoir exhibent leurs amours adultérines sur le pont des yachts ou à la terrasse du Fouquet’s. Et puisque l’on se plaît à le comparer à Saint-Just ou Robespierre, rappelons que le surnom de Robespierre était aussi « l’Incorruptible ». Nous avons aujourd’hui grand besoin d’éthique en politique.

En tirant le fil de son engagement contre la corruption, il est apparu à Arnaud Montebourg que notre Vème République était la matrice de ces dérives, une véritable Machine à trahir les choix du peuple, à confisquer le pouvoir au profit de quelques uns qui décident seuls et sans contrôle, à fabriquer de la déception et de l’abstention.

Arnaud Montebourg s’est donc efforcé d’imaginer des solutions. C’est bien sûr le projet de VIe République, élaboré collectivement à partir de 2001. Cette VIe République, c'est celle de la responsabilité politique, l’équilibre et le contrôle des pouvoirs, la possibilité de débattre dans un Parlement respecté et redevenu un lieu où les idées s’échangent et s’amendent, où l’on peut nouer des compromis responsables, travailler à l’intérêt général et surmonter certains désaccords pour construire l’avenir du pays. Le cycle du pouvoir concentré doit se refermer pour que l’on ouvre celui du pouvoir partagé, contrôlé et en perpétuelle émulation. La VIe République devra être citoyenne, permettant au peuple de saisir les assemblées d’un débat ou d’agir sur leur ordre du jour. Dans cette VIe République, le personnel politique, et notamment le Président de la République, sera responsable devant la justice. Ainsi, à la République minimale d’aujourd’hui, nous opposons la VIème République, une république maximale.

Des idées, il faut passer aux actes. En tant que Président du Conseil général de Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg a mis à l’ordre du jour l’évolution des pratiques démocratiques de cette collectivité locale. Arnaud Montebourg a décidé de mettre de la collégialité et de la démocratie partout. Sa politique consiste aussi à associer les citoyens à la décision et au contrôle politique. C’est le but recherché en instituant un jury citoyen chargé de vérifier que le produit de la fiscalité destinée aux personnes âgées est bien utilisé en ce sens. C’est aussi le sens de la démarche d’Arnaud Montebourg, lorsqu’il convoque un référendum local sur un compromis trouvé concernant le transit des poids sur la RN 73. La démocratie n’est pas seulement des institutions, c’est aussi un état d’esprit.

En tant que secrétaire national à la rénovation du Parti Socialiste, Arnaud Montebourg a porté les mêmes principes et défendu l’établissement de primaires populaires ouvertes pour mettre dans les mains du peuple de gauche la confection de son projet, et le choix de son candidat à l’élection présidentielle.


Arnaud Montebourg a-t-il trahi son engagement contre le cumul des mandats ?


Arnaud Montebourg reste un farouche adversaire du cumul des mandats. De 1997 à 2008, il s’est appliqué à lui-même la règle, contre vents et marées, sans que rien ne l’y contraigne, par simple volonté et conviction. Personne ou presque ne le suivit sur cette voie. A la fin de l’année 2007, il a pourtant décidé de briguer la présidence du Conseil général de Saône-et-Loire. Pourquoi ?
En 2008, Arnaud Montebourg est député depuis plus de 10 ans. Il s’interroge sur le sens de son engagement politique. La politique suppose l’action concrète. Mais qu’avait-il alors fait de concret ? Rapports et discours – si indispensables soient-ils – ne changent pas la vie. Il faut mettre les mains dans le moteur.

Comment le faire sans trahir ses principes ? Démissionner immédiatement de son mandat de député, c’était trahir la confiance et le suffrage des électeurs qui l’avaient choisi en 2007 à l’issue d’un combat acharné. Peu de temps après son élection à la tête du Conseil général de Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg a donc annoncé qu’il quitterait son mandat de député, quoi qu’il arrive, mais en 2012, par fidélité à ses électeurs, et sans abandonner le combat. Depuis le secrétariat national à la rénovation du Parti socialiste, il pousse donc cette idée de non cumul, que le PS a enfin adoptée en décidant de ne plus donner d’investiture aux députés et sénateurs cumulards de deux fonctions exécutives.

Un citoyen est libre lorsqu’il ne cède pas à la facilité des idées reçues.

mercredi 17 août 2011

Le mur de la dette et le piège comptable de la peur

L’austérité ou l’art de tuer le patient par le remède

Les politiques d’austérité appliquées à l’heure actuelle ne sont d’aucun secours. A-t-on déjà soigné un seul malade par une saignée ? A force de l’affaiblir les docteurs libéraux finissent par tuer le patient. A force d’étouffer la croissance, elle ne repartira pas. A force de brutaliser les peuples, ils se réfugieront dans des choix extrêmes. Voilà comment l’idéologie libérale est en train de rendre l’euro et l’Europe odieux aux peuples européens. Et personne n’en sortira indemne, pas même l’Allemagne qui, faute d’acheteurs verra sa balance commerciale touchée. Voilà comment mettre en place la mécanique infernale de la dépression qui a déjà touché la Grèce, l’Irlande et qui guette le Portugal, l’Espagne… et peut-être la France. Pourtant, d’autres solutions existent !
 

Un contrat moral avec le pays

Le problème de la dette est très sérieux, mais il n’est pas insoluble. Il nous faut proposer une stratégie pour surmonter l’obstacle de la dette. Peut-on dire très simplement à la population que pour sortir du piège de la dette qui enserre notre futur, des efforts contributifs importants seront nécessaires ? Il faudra lever des impôts, car le pouvoir actuel n’aura pas le courage de rembourser les dettes qu’il a lui-même laissées à ses successeurs. Le tout est qu’ils soient impérieusement justes et équitablement partagés. On peut imaginer un contrat moral avec le pays pour organiser dans un temps assez réduit son redressement, pendant lequel nous nous mettrions d’accord sur les nouveaux prélèvements à décider, puis sur la hiérarchisation des contributeurs, ainsi d’abord la finance, ensuite tout le système bancaire, compris les paradis fiscaux, enfin les revenus du capital, puis seulement après les revenus du travail ?
 

Des solutions alternatives pour enjamber le mur de la dette

Il faut d’abord s’engager dans une politique de monétisation de la dette, c'est-à-dire de rachat des dettes publiques des Etats européens par la BCE qui leur prêterait alors de l’argent à 0% (et non à des taux élevés – notamment pour les Etats fragiles – comme actuellement sur les marchés). Immédiatement, le poids des intérêts des dettes diminuerait. Une grande réforme de la fiscalité sur les transactions financières, les banques, le capital et le patrimoine doit également être mise à l’ordre du jour. Il nous faut enfin reposer la question de l’utilité de la lutte absolue contre l’inflation conduite par la Banque Centrale Européenne. En réalité, le mur véritable est ce dogme installé dans la tête de nos dirigeants. Et si nous faisions autrement ? Que l’on se comprenne bien, il ne s’agit pas de laisser filer l’inflation sans rien contrôler. Olivier Blanchard, chef économiste au FMI, propose une souplesse supplémentaire et alternative, pour un laps de temps réduit : contenir l’inflation autour de 3 ou 4 % durant quelques années, 3 à 5 ans. Un taux d’inflation de 3% permettrait de réduire en 10 ans de 26% le poids de la dette. Tous les débiteurs y trouveraient leur compte : ménages, entreprises et Etats. Et les créanciers qui vivent de leurs rentes, comme les institutions financières, y laisseraient un peu de leur patrimoine. Car il faut dire très clairement : à qui profite l’absence d’inflation obtenue grâce à des taux d’intérêt élevés ? La réponse est simple : à ceux qui ont de l’argent et qui peuvent le jouer et le placer. Cette politique d’inflation mesurée n’est viable que si elle est complétée par l’indexation des salaires sur les gains de productivité, autre proposition que je porte.
Cette politique nous éviterait de précipiter l’Europe dans l’immobilisation économique et l’appauvrissement que représenteraient 10 années insupportables à rembourser le fardeau financier de la crise (la dette publique française est aujourd’hui de 1500 milliards, dont 80% sont des intérêts, soient 1175 milliards).
  Enjamber le mur de la dette, ce mur de l'argent et de la réalité contre lequel la gauche au pouvoir a tant de fois buté, c’est donc balayer les vieilles croyances qui ne mènent qu’à la dépression et mettre à l’usage des solutions nouvelles dont les conséquences ne sont pas de saigner les peuples, mais de répartir les efforts.

Huit propositions sur la dette

  • conclure un contrat national de désendettement
Il passerait par des impôts provisoires sur trois ans, justement répartis et négociés entre les forces politiques et sociales, d’abord la finance, ensuite le système bancaire, également les paradis fiscaux, enfin les revenus du capital, puis seulement après les revenus du travail.
  • accepter et tolérer un peu d'inflation, maîtrisée et contenue
Cette politique permettrait d'alléger le poids de la dette publique et privée, notamment le surplus lié à la crise. 
  • monétiser la dette et émettre une véritable dette européenne
C'est-à-dire permettre le rachat par la Banque Centrale Européenne des dettes publiques des Etats européens exclusivement liées à la crise financière. La crise appelle la solidarité européenne pour la surmonter ensemble.
  • autoriser la banque centrale européenne à financer directement les Etats
Ce financement direct se ferait par des prêts à taux bas ou nul, afin de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés financiers. 
  • compenser les déséquilibres des paiments en Europe par une banque européenne des règlements
Elle serait notamment chargée d’organiser les prêts entre Etats membres.
  • développer une fiscalité européenne sur les bénéfices des sociétés
Cette fiscalité alimentera un budget européen qui sera l’instrument de la convergence des économies, afin de mettre fin à la course au moins-disant fiscal en Europe 
  • mettre en place un Gouvernement économique européen
Ce gouvernement économique européen serait chargé de la supervision et de la coordination macro-économique, de la gestion du risque et de son évaluation, de l’orientation commune des économies et de la convergence et la solidarité des différentes économies entre elles.
  • investir conjointement dans l'économie de l'avenir
Faire converger le maintien des niveaux de dépenses publiques des Etats membres de l’Union Européenne vers un niveau permettant de briser la spirale déflationniste de la dette, en investissant conjointement sur l’innovation, la recherche, l’éducation, l’industrie, la mutation écologique et la baisse du chômage (entre 2007 et 2010, l’effort budgétaire consenti par les puissances publiques a été voisin de 4,2 points de PIB au Etats-Unis ; 3,2 points au Royaume-Uni et 1,6 point de PIB en zone euro. La morosité et la pression de la dette trouvent dans cette inertie leur meilleur soutien).

mardi 16 août 2011

«On laisse les marchés sans gendarme ni radar!»

Arnaud Montebourg était interviewé par Libération ce vendredi 12 août sur la crise économique et budgétaire. Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous.
Candidat à la primaire socialiste, Arnaud Montebourg se prononce pour le «démantèlement des agences de notation» et «l'interdiction de la spéculation sur les marchés financiers».

Quelle est votre réaction au résultat (0,0%) de la croissance au deuxième trimestre?
Les discours d'autosatisfaction du pouvoir actuel assurant que la crise serait derrière nous sont une contre-vérité. Elle est devant nous. Trois ans après la plus grande crise financière depuis 1929, rien n'a été résolu. Aucune remise en ordre n'a eu lieu, la facture de la crise n'est toujours pas payée par le secteur financier qui en est le responsable, pire, les pouvoirs politiques sont convaincus de devoir la faire payer par leurs contribuables en organisant partout des plans d'austérité qui conduisent à la récession. Tous ceux qui pensaient que le retour de la croissance pourrait atténuer la douleur des conséquences de la crise n'ont plus d'autre choix que de se tourner enfin vers des remèdes beaucoup plus sévères contre les marchés.

Lesquels?
Un bras de fer entre le pouvoir financier (les marchés, les institutions financières, les agences de notation) et le pouvoir politique vient de s'engager. Les premiers veulent faire payer aux classes moyennes et populaires, les contribuables des Etats, les conséquences de la crise financière dont ils sont pourtant responsables. Une lutte très dure s'est ouverte pour mettre en difficulté les Etats en faisant croire aux opinions publiques que les dettes accumulées par les Etats seraient de leur responsabilité.
C'est au contraire le secteur financier, sauvé par les Etats qui ont du s'endetter pour y faire face en 2008, qui est responsable de la situation, les banques mordant la main de ceux qui les ont secourus il y a deux ans. Il est donc impensable que ces dettes publiques contractées dans la crise soient payées par les peuples. Quelle est la légitimité du patron de Standards and Poors pour dire ce que devrait être la politique de la France en matière fiscale et sociale?

Mais qu'est-ce que vous proposez?
Il n'y a plus d'autre choix que des mesures dirigistes et de prohibition. Le moment n'est plus à la régulation, qu'il aurait fallu faire il y a quinze ans. Nous sommes engagés dans un conflit ouvert et nous avons un arsenal juridique à notre disposition qu'il revient aux responsables politiques d'utiliser et mettre en œuvre: démantèlement des agences de notation, interdiction de la spéculation sur les marchés financiers pour tout établissement bancaire qui dispose d'une licence sur notre territoire et ses filiales.
Ce sont des mesures immédiates que nous pourrions prendre immédiatement, dès la session extraordinaire de septembre plutôt que je ne sais quelle règle d'or qui ressemble à une discussion sur le sexe des anges, concession surtout faite aux marchés financiers.
Enfin, il faut mutualiser chaque dette publique nationale des Etats de la zone euro due à la crise, dans une agence européenne chargée de racheter cette dette, financée par une taxe sur les transactions financières de la zone euro. Avec un tel dispositif, il n'y aurait aucune crise des dettes souveraines, et aucun plan de rigueur destiné à faire payer la crise financière par les gens.

François Hollande et Martine Aubry restent sur l'objectif de revenir à un déficit de 3% du PIB en 2013? Vous aussi?
Le désendettement progressif du pays est nécessaire. Mais il faudra le faire en faisant payer le secteur financier. Si c'est impossible au plan européen parce que les gouvernements européens sont encore aveuglés par leur idéologie libérale finissante, alors la mise en oeuvre doit être réalisée au plan national. Les contribuables issus des classes moyennes et populaires ne doivent pas financer par leurs impôts la dette due à la crise.
Concernant l'objectif de revenir à un déficit de 3% du PIB présent dans les critères de Maastricht, seuls trois pays le respectaient avant la crise! Pas même l'Allemagne! Pourquoi faudrait-il les respecter en pleine crise? Ce sont des critères obsolètes qui remontent à vingt ans. Il nous faut de nouveaux choix différents et adaptables: remplacer les règles stupides par des choix politiques me parait relever du bon sens.
Il est normal que les Français fassent des efforts pour financer la dépendance des personnes âgées ou le déficit de l'assurance maladie, qui exprime le niveau de solidarité qu'ils choisissent entre eux. Il est aussi normal de demander aux banques et aux grandes entreprises qui ont bénéficié d'avantage fiscaux et qui sont responsables de la crise de payer pour leurs propres impérities et leurs graves conséquences.

Vous êtes le plus radical des candidats socialistes à la primaire. Ne regrettez-vous pas de voir vos camarades jouer une carte beaucoup plus réformiste?
Mes propositions ne sont pas incompatibles. Je propose des mesures de démondialisation financière, ayant pour objectif de rendre le politique plus fort que les marchés. On me dit que je serais trop radical? Mais le plus radical et le plus extrémiste ne serait il pas le système qui a fabriqué cette crise?
Face à Nicolas Sarkozy, il faudra bien que le PS ait les idées de la France d'après. Il ne peut plus s'inspirer de la gestion libérale du système. C'est le sens de ma candidature. Il est impossible d'imaginer qu'on puisse mener la France dans la réalisation du projet socialiste, même a minima, si nous n'avons pas vaincu les marchés. Il faut interdire au marché de se comporter comme il se comporte, et briser leur pouvoir qui empêche d'exercer le nôtre.
On met des radars partout sur les routes de la vie quotidienne des Français pour assurer la sécurité routière. C'est une bonne chose, mais dans la finance, on laisse les marchés sans ligne blanche, sans gendarme ni radar. On laisse ses opérateurs se comporter comme des chauffards et en plus on leur fait des chèques! Si nous ne parvenons pas à faire cesser cette insécurité financière, le peuple aura perdu sa liberté de choisir, et je ne donne plus très cher de l'avenir de nos démocraties encore apaisées et tranquilles.

Manuel Valls propose une rencontre entre les candidats à la primaire avant l'université de La Rochelle. Quel est votre avis?
On peut se voir mais vous savez on se téléphone tout le temps! Il ne s'agit pas de solenniser cette rencontre. On s'entend bien les uns avec les autres!

Qui veut gaspiller des millions ?

Voici le nom que l’on pourrait donner au triste jeu auquel se sont livrés le Président de la République et le gouvernement durant maintenant plus de quatre ans. À l’heure d’une crise sans précédent de la dette souveraine, menaçant l’Europe entière, on voudrait nous faire croire que le pouvoir a agi en bon gestionnaire et que chacun d’entre nous doit se « serrer la ceinture » en ces temps difficiles. Force est de constater que les efforts n’ont pas été les mêmes pour tous. Les dizaines de millions d’euros qui ont été gaspillés par le « Président du pouvoir d’achat » ne sont un secret pour personne.

La barre avait été placée très haut dès le lendemain des élections présidentielles en 2007. Le seul bouclier fiscal a coûté en 2009 à l'État 678,99 millions d'euros de remboursements à 18 764 contribuables bénéficiaires, c'est-à-dire 2% des Français. Les 1 169 les plus fortunés ont empoché un chèque du Trésor de 362 126 euros chacun. Ceux-là se sont partagé 423,32 millions d'euros, soit plus de 62 % de l'enveloppe totale. Madame Bettencourt a récupéré 30 millions d’euros ! On se demande d’ailleurs à quoi lui sera utile cet argent.

Après cette entrée en matière fracassante, le gouvernement ne s’est pas arrêté en si bon chemin. En pleine crise, la suppression du bouclier fiscal devenant une question de décence, la droite a fait adopter la réforme de l’ISF au printemps dernier. Celle-ci coutera environ 3 milliards d’euros, le tout au bénéfice des contribuables les plus aisés. 3 Milliards d’euros qui ne rentreront pas dans les caisses de l’État à l’heure où la dette avoisine les 1700 Milliards d’euros.

Et ceci n’est qu’un aperçu du grand gaspillage de l’argent public auquel se livre le gouvernement. Dans un autre registre, on pourrait également mentionner la fameuse affaire Lagarde concernant l’arbitrage Tapie. L’ancienne ministre de l’Économie a récemment été mise en cause pour avoir mis sur pieds une procédure d’arbitrage privée dont la régularité aux yeux du droit est pour le moins douteuse. Bernard Tapie, ami personnel de Nicolas Sarkozy, s’est vu attribuer de cette singulière manière une indemnité de 285 millions d’euros dont 45 millions pour préjudice moral !
Pendant que certains, à droite bien sûr mais aussi, plus étonnant, à gauche (http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Candidature-de-Christine-Lagarde-au-FMI-cacophonie-au-Parti-socialiste-318999/), se satisfaisaient de la candidature Lagarde au FMI, certains, plus lucides, avaient mis en garde contre ce "choix périlleux" (http://www.arnaudmontebourg.fr/mme-lagarde-au-fmi-un-choix-perilleux/) en raison de l'épée de Damoclès brandie au-dessus de la tête de la candidate française à travers cette affaire Tapie.

Si l’on pousse le vice un peu plus loin, on pourrait rappeler que même Raymond Domenech  surfe sur la vague des millions (http://mobile.agoravox.fr/actualites/societe/article/affaire-lagarde-affaire-domenech-98665) Suite au fiasco des bleus en Afrique du Sud, son indemnité de licenciement, obtenue après d’âpres négociations, s’élève à 975 000 euros ! Mais attention, Raymond Domenech ne transige pas avec l’éthique, il n’a pas hésité à refuser la fameuse prime comme la plupart des joueurs.

Pendant ce temps, le parlement votait la réforme des retraites, en invitant chaque français à faire des efforts, et le gouvernement proposait aux salariés, ou plutôt à certains d’entre eux, une prime de 1000 euros… Nouvelle France, il est grand temps que tu arrives !

mardi 9 août 2011

Démanteler les agences de notation - communiqué


La dégradation de la note de la dette publique américaine par une agence de notation constitue une attaque supplémentaire et inadmissible des marchés contre les Etats, contre leurs libres choix démocratiques et leurs contribuables.

La pauvreté des réactions, l'incapacité et l'impuissance des gouvernants des pays membres de la zone Euro devant les marchés et les agences de notation, qui continuent à faire danser les Etats sur la musique de leurs insatiables exigences, est liée à l'idéologie aveuglante de ces dirigeants qui préfèrent faire payer leurs propres peuples plutôt que de faire payer les marchés et les institutions financières responsables de la crise.

Depuis presqu'un an, je propose avec constance un démantèlement des agences de notation, devenues des dangers publics, complices des marchés dans la crise économique et financière, tant il n'est plus à démontrer qu'elles portent des appréciations erronées et trompeuses.

Je propose qu'une loi nationale prohibe pour conflit d'intérêt et atteinte à la déontologie toute expression d'évaluation financière rémunérée par un acteur d'un marché quelconque ayant le moindre intérêt dans une telle évaluation. Cette interdiction serait passible d'amendes civiles en rapport avec les conséquences de l'atteinte.

Par ailleurs, l’Europe doit parallèlement organiser la création d’une agence de notation publique européenne. Elle serait indépendante, transparente et déconnectée des intérêts privés.

L’impact des notes données par les agences de notation et la chute historique des bourses depuis une dizaine de jours montrent les dangers de marchés spéculatifs contre lesquels aucune espèce de mesure coercitive n'a été prise par aucun pays européen. Il est aujourd’hui plus nécessaire encore qu’hier que l’Europe réalise un acte fort de souveraineté et de protection des peuples contre la spéculation et la volatilité irrationnelle des marchés. Pour cela, j’ai déjà fait deux propositions que la situation rend chaque jour plus actuelles :

1- le rachat par la banque centrale européenne des dettes générées par la crise, la mutualisation de celles-ci et leur gestion par une agence européenne de la dette car chaque pays européen ne peut rien isolément contre la spéculation.

2- Les gouvernements européens devront enfin se décider à taxer les transactions financières pour rembourser la dette créée par la crise. La reconquête de l’indépendance financière de l’Europe est la seule condition crédible et viable pour sortir raisonnablement de la crise.

Arnaud Montebourg

Fichage des allocataires : l'UMP recycle de vieilles propositions (article du Monde du 09/08/2011)

Après le "cancer de l'assistanat" dénoncé au printemps par Laurent Wauquiez, puis le rapport de Dominique Tian, fin juin, sur la fraude aux prélévements sociaux, l'UMP repart à l'offensive contre les fraudes sociales. Au risque de se répéter, voire de faire passer  pour neuves des mesures déjà en place.

C'est le chef de file du collectif "Droite populaire", le ministre des transports Thierry Mariani, qui a pris la tête de cette nouvelle charge. Il propose, dans le Journal du Dimanche du 7 août, "la création d'un fichier généralisé des allocataires qui recense toutes les prestations sociales perçues", une idée à laquelle le ministre du travail, Xavier Bertrand, a semblé accorder son soutien, annonçant un "fichier unique des allocataires sociaux avant la fin de l'année". L'initiative a déclenché un tollé de la gauche et d'une partie du centre. Le patron du parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet, critique un "mauvais coups aux Français les plus modestes", Martine Aubry dénonce une "insupportable manœuvre accusatoire" à l'encontre des "plus faibles" alors que "les fraudes aux cotisations patronales, qui coûtent quatre à cinq fois plus que les prestations sociales indues, ne sont pas inquiétées". Hervé Morin, patron du nouveau centre, juge pour sa part que "ficher les plus pauvres à des fins électoralistes ne saurait être une réponse à la détresse de millions de personnes honnêtes". Pourtant, à y regarder de plus près, l'annonce de M. Mariani tient essentiellement de la politique. Voire, visait à créer une polémique sur ce sujet auquel l'électorat de droite populaire est traditionnellement très sensible, alors même que l'annonce de ce "fichier unique" est tout sauf une nouveauté.

UN FICHIER INSTITUÉ DEPUIS 2006

Car il n'y a strictement rien de nouveau dans les annonces de MM. Mariani et Bertrand. Comme l'annonçait lundi 8 août le site actuchômage.org, le fichier, baptisé Répertoire National Commun de la Protection Sociale (RNCPS) a été créé par une loi du 21 décembre... 2006.A la veille de la présidentielle 2007, il s'agissait déjà d'adresser des signes à l'électorat traditionnel de la majorité, sensible à cette question des fraudes sociales. A l'époque, le même Xavier Bertrand, alors ministre de la santé du gouvernement Villepin, annonçait dans Le Parisien la mise en place d'un "comité national de lutte contre la fraude en matière de Sécurité sociale", chargé notamment de permettre aux différents acteurs de la protection sociale "d'échanger leurs informations et de croiser leurs fichiers".L'amendement de décembre 2006 instaurant le RNCPS a donc autorisé la création de ce fichier, mais sa mise en oeuvre pratique, elle, n'a cessé d'être retardée. Ce qui n'a pas empêché la majorité de multiplier les annonces sur le thème des fraudes sociales et des fichiers.En attendant le lancement du RNCPS, la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) a ainsi mis en place en 2008, sous l'égide du ministre du budget, Eric Woerth, un "répertoire national des bénéficiaires" pour signaler les doubles affiliations. Ce répertoire était présenté par le pouvoir comme un "prélude". Le gouvernement crée par ailleurs, en 2008, une "Délégation nationale à la lutte contre la fraude", parallèle au comité national créé deux ans auparavant.

INITIATIVES TOUS AZIMUTS CONTRE LA FRAUDE

Mais maglré ces initiatives tous azimuts pour une lutte anti-fraude érigée en priorité nationale,  le fameux RNCPS se fait toujours attendre, notamment car la commission nationale informatique et libertés (Cnil) réclame des garanties quant à son utilisation. De fait, il faut patienter jusqu'en 2009 pour que paraisse enfin le décret gouvernemental permettant sa mise en œuvre.  Mais celle-ci n'est pas immédiate.Fin 2010, le ministre du budget François Baroin lance une nouvelle initiative de lutte contre la fraude, et promet notamment que "dix nouveaux croisements de fichiers seront réalisés, dans le respect de la loi informatique et libertés : recherche des logements fictifs, des fraudes au chômage..."En mars 2011, dans un entretien au Figaro, Xavier Bertrand évoque une nouvelle fois ce répertoire, promettant qu'il sera "opérationnel d'ici à la fin de l'année". En attendant, le gouvernement lance en avril un plan de lutte contre la fraude aux prestations sociales, qui ont augmenté selon lui de 25 % en 2009. Parmi les mesures, la mise en place de comités départementaux de lutte contre la fraude (Codaf)En juin, le député UMP et membre de la droite populaire Dominique Tian remet un nouveau rapport sur la question des fraudes sociales, en proposant notamment de créer un "FBI de la lutte contre la fraude", qu'il chiffre, sans toujours justifier sa méthodologie, à 20 milliards d'euros. Le collectif "Droite populaire" consacre d'ailleurs un colloque à la question des fraudes sociales le 15 juin. Il est intitulé "hold-up sur la solidarité nationale". Le même mois, l'UMP propose, parmi ses 41 propositions sur la "justice sociale", la création d'un "fichier national des fraudeurs sociaux". Le parti assure même : "actuellement aucune base de données nationale ne recense l'identité des fraudeurs". 

UNE QUESTION DE PRIORITÉS

L'activité intense menée contre les fraudes sociales est aussi question de priorités. Selon le rapport 2011 de la délégation nationale à la lutte contre la fraude, celle qui touche les prestations sociales concernait en 2009 "674 millions d'euros (entre 540 millions d'euros et 808 millions d'euros), soit 1,13 % des prestations versées". Tandis que la fraude aux cotisations sociales, qui concerne, elle, les employeurs, représente "dans le cadre du travail dissimulé entre 15,5 et 18,7 milliards d'euros, ce qui représente 6 à 7,5 % des 251 milliards d'euros de cotisations sociales contrôlables versées en 2009". En 2010, l'Urssaf a récupéré 1,237 milliard d'euros à la faveur de contrôles auprès des entreprises, dont 185 millions sur le travail dissimulé. Sur les 58 380 personnes contrôlées par l'organisme, 63,1% ont fait l'objet d'un redressement.

Samuel Laurent