mercredi 26 janvier 2011

Le renouveau productif (sur le site des idées et des rêves)

La grande question des années à venir est celle de notre renouveau productif. Car celui qui ne produit pas est toujours dans la main de celui qui produit. Ceux qui ne se soucieront pas de préparer les inventions, les produits et la richesse de demain, risqueront l’appauvrissement rapide. Si les Français veulent financer un bon niveau de retraite, de santé, d’éducation, de services publics, il faut d’abord reconstruire un socle industriel puissant.
 

La rente, voilà le véritable ennemi

Après avoir laissé distribuer des bonus aux traders, le moment est venu d’inverser les préférences collectives et de rémunérer le risque productif. Les rentiers qui gagnent leur vie en dormant, les monopoles privés qui essorent le travail des autres, l’actionnariat qui exige des niveaux de rentabilité démentiels, tous sont la France du lierre qui parasite et étouffe la France de l’arbre, et empêche celui-ci de croître. C’est cette France qu’il nous faudra affaiblir pour réorienter nos ressources dans la construction de la nouvelle société productive. Il ne s’agit pas de persécuter les actionnaires, mais au contraire de faire évoluer leur attitude et les ramener à l'utilité productive et industrielle. Ne soyons pas naïfs, dans une économie du renouveau productif qui appelle des investissements massifs, il faudra lever des fonds auprès d’actionnaires.
 

Une nouvelle alliance

Le moment est venu de construire l’alliance des producteurs avec les travailleurs contre les actionnaires : l’union des capitaines d’industrie et des salariés contre la confiscation du rendement et de la valeur de leur travail et pour un autre partage des richesses. C’est dans cette nouvelle alliance que nous trouverons les moyens de changer le travail. Pour cela, je défends trois propositions d’envergure : indexer les salaires sur les gains de productivité des entreprises afin de rétablir l’équilibre entre les salaires et dividendes ; faire entrer les salariés dans les conseils d’administration des sociétés avec voix délibérative ; rendre incompatibles les licenciements économiques avec la distribution de dividendes (si l'entreprise gagne de l'argent au point de distribuer une partie de ses bénéfices aux actionnaires alors dans ce cas elle n'a aucune raison de licencier).
Mais produire pour produire n’a pas de sens. Produire, ce n’est pas seulement fabriquer des biens, c’est organiser leur usage. Produire, c’est inventer la civilisation dans laquelle on veut vivre. Aux producteurs rassemblés avec les innovateurs et les travailleurs, je veux adjoindre les penseurs et les artistes. Une place doit leur être faite. Ils sont la condition de l’innovation. La création industrielle doit s’accomplir différemment, par l’incorporation des intelligences et savoir-faire et la recherche de l’innovation. C’est le mode de fonctionnement est celui des logiciels libres. La participation des utilisateurs et consommateurs a vocation à les améliorer sans cesse.

Les moyens d’une ambition

Ce renouveau productif mobilisera toutes les forces, publiques comme privées. Les belles réussites industrielles qui ont pour nom Apple ou Google ne sont pas le fruit des seules vertus du marché. Faut-il rappeler le rôle primordial des recherches menées par l’armée américaine dans l’élaboration de ce qui allait devenir internet ? Il faut que nous soyons capables de monter des équipes mixtes publiques et privées unissant les savoirs, débouchant à moyen terme sur l’élaboration des produits de demain, à organisant la production sur notre sol. Toutes les Nations qui croient dur comme fer en leur avenir ont imbriqué ces intérêts.

Drainer l’épargne vers l’investissement

Mais pour cela, il nous faut des moyens financiers puissants. Dans un rapport du Conseil d’Analyse Economique et Sociale de 2010, Jérôme Glachant et Jean-Hervé Lorenzi démontrent qu’il « nous faudrait de 30 à 40 milliards d'euros de plus par an pour redynamiser notre appareil productif ». Cet argent, c’est celui de chaque Français, qui sommeille sur nos comptes en banque. Chacun estimera que le sien est bien maigre, mais mis ensemble, la somme est considérable. En 2008, le patrimoine financier des Français était proche de 3 500 milliards d'euros. Pour convertir notre épargne en investissements, il faut créer des fonds destinés spécifiquement à l’innovation et à la mutation de l’appareil productif. Mais pour conjurer le risque plus élevé que celui d’une assurance-vie, ces fonds devront être garantis par la puissance publique. Ils n’exigeront pas un retour sur investissement immédiat – maladie du capitalisme financier – mais tireront bénéfices de leurs investissements. L’époque où l’on privatisait les bénéfices et où l’on socialisait les pertes doit se refermer. C’est un nouvel Etat que l’on peut ainsi faire naître, non plus distributeur universel et à perte, mais qui retire un profit légitime de son investissement, à condition que ce profit soit lui-même réinvesti dans l’utilité collective, y compris dans son propre désendettement.
On pourrait résumer le renouveau productif en trois formules : la production contre la rente, l’innovation contre la reproduction, et la démocratie contre la confiscation, portées par une alliance nouvelle.

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